Nous voilà à quelques jours de route depuis Montréal. Le 25 Novembre. Heading vers La Tuque, on passe devant un terrain flou, avec une petite structure en bois, et un camping-car blanc. On s'y arrête, sur le bas côté d'en face. Après avoir cherché présence au camping-car c'est finalement à l'autre bout du terrain, sur un 4x4, que présence nous observe. On fait un signe de la main, puis nous nous approchons. Denis, la soixantaine, propriétaire du terrain. Il lui manque toutes ces dents. Il fait des blagues, c'est le fun.


Une discussion, quelques questions, des rires. Je monte sur le 4 roues avec lui et nous nous retrouvons au camping-car, de l'autre côté du terrain.


Le but qui a été le sien durant toute notre rencontre s'est placé dans la présentation exhaustive et détaillée de tout son mode de vie, de sa propriété, son camping car et de manière générale, comme il avait acquis tout ça. La propriété aux Amériques n'est pas à prendre à la légère. On existe par ce qu'on a. Par ce que l'on consomme. Fioul, gaz, batteries externes, groupe électrogène...


Alors il en allait de montants en montants, à nous expliquer comment il avait acquis tout ce qu'il possédait, d'années en années, de bon plan en bon plan.




Le surnom est venu très vite.


Après quelques heures de discussion, nous avons soulevé le fait que la nuit tombante nous forcerait à partir trouver un endroit ou dormir pour la passer, je crois qu'à ce stade nous savions tous les trois que nous allions rester, Raph et moi, dormir "chez" cet homme, mais encore fallait il qu'il nous invite à le faire, ce qu'il fit instantanément et sans réserves. Une vraie, et belle proposition. C'est oui.


Alors mise en place du dîner, pommes de terre et lard, en papillote au four. Je crois qu'on sous-estime souvent la pomme de terre, pour ce qu'elle a à nous offrir de chaleur et de saveur.


Il nous a raconté comment, alcoolique, il avait fait un séjour en prison, une seule journée, mais que cette journée l’avait complètement changé. Vu le nombre de canettes de Pepsi qu'il buvait par jour, on s'est dit qu'après l'alcool il s'était reporté sur le "breuvage" comme les Canadiens appellent les sodas; et que c'était peut être pour cette raison qu'il avait perdu ses dents.


J'ai veillé avec lui ce soir-là, un peu plus que Raphael. Puis j'ai finalement été me coucher dans cette étonnante structure en bois. Ce n'était pas une grange, mais tout comme. Il avait placé un genre de chauffage au gaz, qui est resté là toute la nuit. Nous n'avons pas eu froid, mais vraiment la consommation de gaz à l'année de ce type.. C'est probablement dingue.


Le petit déjeuner du matin s'est constitué de quelques tranches de pain de mie, beurre d'arachide et de café jus de chaussette. Comme tous les cafés en Amérique : il était fade et dilué ! Après quelques discussions, il nous a proposé de nous emmener sur son terrain en 4 roues. Il faisait froid. Il me prêta des gants. Faire le tour de ses terres nous a bien pris la moitié de la journée. Sur des routes plus ou moins praticables, à trois sur un bolide qui n'est censé accueillir que deux personnes. Nous avons vu son lac, et quelques cabanes de chasseur. Une simple petite cabane d'un mètre carré, avec un petit chauffage et une chaise. On pouvait monter sur l'une d'entre elles pour avoir plus de hauteur.


Le retour au camping-car, et quelques discussions, on allait reprendre la route. La location du Van nous avait prêté des couverts, assiettes et poêles, mais c'était pour l'utilisation du réchaud uniquement et j'avais envie de faire des poêlées de légumes ou bien de cuire des œufs dans une autre poêle, directement sur le feu. Alors je lui ai demandé s'il pouvait nous donner ou bien nous vendre une des poêles qui pendaient, accrochées à son mur dans la grange. C'était vraiment sur le départ, et pressé par notre impatience, il a avoué qu'il y tenait un peu trop. Dans la voiture, on a ri avec Raph car elles ne devaient pas avoir servies depuis plus de 10 ans. Mais encore une fois, question propriété, on ne plaisante pas !


Après 500 mètres, je glisse les mains dans ma poche kangourou, et mince ! J'y retrouve les gants, que j'avais placé là par réflexe aux sorties du quad. On fait demi tour, hors de question qu'il ne nous pense voleurs, il avait besoin de ces gants et je n'en n'aurai pas l'utilité.. en plus de ça.


Je saute la barrière, et toque à la porte de son Camping-car. Il s'exclame de joie en me voyant et annonce qu'il regrettait de ne pas m'avoir donné une poêle. Je lui montre les gants, nous rigolons. Drôle de coïncidence. Il me donne sa meilleure poêle, je lui rends ses gants et je remonte dans la voiture après d'autres aux-revoir.


Après cela nous sommes remontés sur la Tuque. Je suis content d'avoir rencontré ce type. Les rencontres dans les voyages sont toujours riches. Nous avons fait de délicieuses choses avec cette poêle, et puis, plus tard, comme avec le reste de la vaisselle, on nous l'a volée, avant la fin du voyage. alors qu'elle séchait sur une aire d'autoroute. Elle a servi le temps qu'elle devait. Je n'aurais pas pu la ramener en France dans tous les cas.

©Clément Marion tous droits réservés.
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